lundi 20 décembre 2010

"Je suis une légende"


Lorsque je commence à m’intéresser à la vie de Sean Flynn, j’amasse tout ce que je peux. La presse à gros tirage de l’époque fourmille d’anecdotes et de reportages à la véracité parfois douteuse ; je me perds dans la lecture du roman de Jean Lartéguy, « Enquête sur un crucifié », qui fait de Sean Flynn (alias Ron Stark) un play-boy soupçonné de meurtre et d’inceste ; une phrase de Francis Coppola à propos du personnage du photographe allumé incarné par Dennis Hopper me fait revoir « Apocalypse Now » ; je tente en vain de décrypter les paroles de « Sean Flynn », la chanson des Clash écrite par Joe Strummer…

J’ai l’impression que Sean Flynn se trouve à quelques mètres de moi seulement mais qu’un épais brouillard de légende m’empêche de l’atteindre. Séparer le mythe de la réalité va donc être ma mission première. Mais là non plus, ce n’est pas facile…

Après avoir eu la confirmation qu’il a bien chassé le tigre au Pakistan, sauvé une actrice de la noyade dans une rivière de crocodiles à Ceylan et reçu un éclat de grenade dans le genou près de Chu Lai, j’apprends une nouvelle activité de Sean Flynn : chanteur yé-yé. À ce stade, j’ai l’impression de traquer Forrest Gump. Découvrir que ses déhanchements ont été à la base du twist ne m’étonnerait pas.

Pendant l’hiver 1961, Sean se serait produit sur scène à Val d’Isère. Envoyée sur place, une des assistantes d’Eddie Barclay aurait repéré en fait un de ses choristes, que l’empereur du microsillon signera sous le nom de Frank Alamo. Pour confirmation, je contacte l’interprète de « Biche, oh ma biche », qui laisse un message sur mon répondeur. D’emblée, il dément cette histoire et affirme n’avoir eu aucun contact avec Sean Flynn dans un cadre musical, même s’il a été son ami. Fausse piste. Ce ne sera pas la dernière.

Même sa mort fait naître toutes sortes de fantasmes. Disparu en 1970 au Cambodge en tant que correspondant de guerre, on l’imagine réfugié dans un temple bouddhiste ou autre. « Je ne serais pas étonnée si j'apprenais qu'il se cache quelque part dans un endroit isolé, occupé à écrire ses mémoires », déclare sa demi-soeur Arnella. En 1975, sa mère Lili Damita ne croit pas à sa mort et décide de se rendre au Vietnam pour le retrouver. « Il est impensable qu’un garçon aussi délicieux ait pu être massacré par qui que ce soit. Même l’ennemi le plus cruel, et il n’en avait pas car personne ne résistait à sa gentillesse, aurait été désarmé devant sa bonté. Je sais qu’un jour il me reviendra et je sens par toutes mes fibres maternelles qu’il a besoin de moi… » Elle ne le trouvera pourtant pas.

Autre élément « culte » : son appartement du 6 de la rue Nicolas-Chuquet à Paris, conservé intact pendant vingt ans par sa mère, convaincue qu’il réapparaîtrait un jour… Des photos parues dans Paris-Match au début des années 90 dévoilent ce sanctuaire, cambriolé plusieurs fois mais encore bien rempli. Au mur, la peau du tigre tué par Sean au Pakistan (car il semait la terreur parmi les coupeurs de bois). Que sont devenues toutes ces reliques ? Mystère. Mes recherches sur ce point n'ont pas abouti. Un élément de plus pour entretenir la légende...

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